Tendances en baisse chez la jeunesse européenne : diminution de la consommation de drogues, d’alcool et de tabac selon l’étude ESPAD

Une réduction notable de la consommation chez les adolescents européens
Selon l’étude ESPAD, réalisée tous les quatre ans dans 37 pays européens, la proportion d’adolescents consommant régulièrement des substances illicites, de l’alcool ou du tabac tend à diminuer. Par exemple, en Islande, moins d’un jeune sur cent fume quotidiennement, comparé à 20 % en Croatie. En France, cette évolution se traduit par une transformation du profil des jeunes, qui sont passés d’une des plus fortes proportions de consommateurs de cannabis à une génération d’« ados modèles ». En revanche, dans des pays comme Chypre et l’Ukraine, l’expérimentation de drogues illicites reste plus répandue.
Malgré ces disparités nationales, la tendance globale montre un recul de la consommation de substances chez les jeunes de 16 ans dans toute l’Europe, y compris en Suisse, même si cette dernière n’est pas incluse dans l’étude ESPAD, mais suivie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces changements s’observent également dans d’autres régions du continent européen.
Influences des politiques publiques et évolutions sociales
Les efforts de prévention et leurs effets
Selon Marina Delgrande Jordan, responsable de la recherche chez Addiction Suisse, cette baisse pourrait en partie résulter des politiques publiques et des actions de prévention initiées depuis les années 2000, visant à limiter l’accès à certains produits et à encourager des comportements plus sains chez les jeunes. Cependant, la persistante tendance à la baisse dans plusieurs pays européens, malgré des stratégies variées, indique également des « changements plus profonds dans le comportement des adolescents », selon cette spécialistes.
Transformation des modes de sociabilité des jeunes
La sociologue Marie Jauffret-Roustide, membre du Conseil scientifique de l’Agence européenne des drogues, souligne une évolution dans les modes de socialisation. Elle explique que la pandémie de COVID-19 a fortement réduit les possibilités de rencontres en face à face, ce qui a entraîné une diminution de la consommation en groupe de substances telles que le tabac, l’alcool ou le cannabis. Par ailleurs, les jeunes passent davantage de temps derrière leurs écrans, que ce soit via les réseaux sociaux pour les filles ou les jeux vidéo pour les garçons, ce qui favorise des sociabilités virtuelles.
Elle ajoute que, selon diverses études, lorsque les jeunes ne se rassemblent pas physiquement, leur consommation de ces produits est souvent inférieure. Par ailleurs, la perception sociale du tabac a évolué : la génération Z voit désormais ce produit comme une substance nocive, très éloignée de l’image « branchée » qui prévalait auparavant.
Les disparités de marché et leurs impacts
L’étude ESPAD met en évidence des écarts significatifs entre certains pays. Par exemple, en Bulgarie ou en Croatie, un jeune sur cinq fume quotidiennement, contre moins de 4 % en France, en Scandinavie ou dans les pays baltes. Ces différences peuvent en partie s’expliquer par la disponibilité des produits sur le marché national, comme les cigarettes électroniques ou autres alternatives, dont l’accès est plus facile dans certains pays. Marina Delgrande Jordan souligne que ces alternatives pourraient en partie ou totalement substituer la consommation traditionnelle.
Ce constat souligne que la tendance vers une baisse générale masque une réalité plus fragmentée à l’échelle européenne. Par ailleurs, l’étude n’aborde pas de manière spécifique l’influence des facteurs sociaux, familiaux ou éducatifs, qui restent pourtant essentiels dans l’évolution des comportements des jeunes.