Tannhäuser dépouillé mais intense ouvre la saison d’opéra au Grand Théâtre de Genève
Ouverture de la saison d’opéra au Grand Théâtre de Genève : Tannhäuser, dépouillé mais puissant
Après Parsifal en 2023 et Tristan et Isolde l’année suivante, le Grand Théâtre de Genève poursuit son exploration du répertoire de Richard Wagner. Pour lancer sa septième et dernière saison, placée sous la thématique « Lost in translation », Aviel Cahn signe la programmation avec Tannhäuser.
Cet opéra de jeunesse de Wagner est riche en thèmes et symboles qui interrogent la condition humaine et la possibilité du pardon. Le récit peut se résumer ainsi : un poète en marge des conventions est partagé entre le désir charnel, incarné par Vénus, et l’amour sincère d’Élisabeth. Après un retour du Venusberg, Tannhäuser fait l’éloge de la passion lors d’un concours de chant, ce qui provoque sa disgrâce. Il part en pèlerinage à Rome pour obtenir le pardon du pape, qui lui est refusé. Élisabeth prie pour lui et meurt. Le bâton papal refleurit ensuite, signe du pardon et de la réconciliation du troubadour.
Une mise en scène minimaliste et expressive
Suite au retrait pour raison de santé de Tatjana Gürbaca, Michael Thalheimer prend les commandes du spectacle, dans la continuité de ses précédentes collaborations avec le Grand Théâtre. Si les décors et les costumes avaient été esquissés avant sa reprise, la signature du metteur en scène transparaît dans cette approche dépouillée.
Le souvenir du Parsifal de 2023 persiste notamment dans l’emploi soutenu du sang, présent comme symbole de souillure et de péché. Reste à savoir si cette tonalité est nécessaire ou pleinement justifiée dans l’ensemble de la production.
Autre motif récurrent : le maquillage de clown triste apposé sur le visage de Tannhäuser, avec un sourire volontairement amplifié qui rappelle certains codes du Joker et de l’imagerie qui défie les normes.
Une scénographie sobre mais efficace
Côté décor, Henrik Ahr propose un dispositif épuré dominé par un grand anneau positionné au centre de la scène. Magnifiquement mis en valeur par l’éclairage du premier acte, cet élément peut évoquer un vortex reliant Venusberg et Wartburg, même s’il est peu exploité dans les actes suivants.
Dans l’ensemble, Thalheimer parvient à offrir une lecture claire et lisible de l’œuvre, malgré un temps de préparation serré. La bacchanale du premier acte passe presque inaperçue et certains temps forts, comme le nettoyage de la scène par quatre soubrettes lors du concours de chant, s’étirent et gagnent en endurance sans toujours convaincre.
Des voix féminines en grande lumière
Du côté des solistes, ce sont surtout les voix féminines qui retiennent l’attention. Victoria Karkacheva (Vénus) domine le premier acte par son intensité de femme fatale, avant de laisser la place à la voix puissante et émouvante de Jennifer Davis (Élisabeth).
Dans le rôle-titre, Daniel Johansson, qui avait chanté Parsifal en 2023, traverse une partition exigeante avec une performance solide, bien que l’ouverture de l’acte I puisse apparaître un peu soutenue sur le plan vocal à certains moments.
La finesse musicale vient du baryton Stéphane Degout (Wolfram), tandis que la basse Franz-Josef Selig transmet une gravité noble dans le rôle du Landgraf.
Sous la direction du chef britannique Mark Elder, l’Orchestre de la Suisse romande gagne en ampleur au fil des actes et le Chœur du Grand Théâtre, renforcé pour l’occasion, offre des couleurs riches, malgré quelques décalages dans le Chœur des Pèlerins, qui demeure un fil conducteur de l’œuvre.
Note: 3/5
Andréanne Quartier-la-Tente
Dates à l’affiche : les 23, 26 et 28 septembre, puis les 1er et 4 octobre 2025, au Grand Théâtre de Genève.
Cette production peut aussi être entendue sur RTS Espace 2 dans le Concert du soir, le 25 octobre 2025 à 19h30.