Cigarette électronique et arrêt du tabac : consensus d’experts et implications pratiques

wpbot_image_gexBAc

Contexte et positions internationales

Théorisée dès les années 1960 et commercialisée autour des années 2010, la cigarette électronique, souvent appelée e-cigarette, continue de susciter des avis variés dans le domaine de la santé. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé l’a qualifiée d’incontestablement nocive et a appelé à une régulation. Plus récemment, l’OMS a estimé que le vapotage peut freiner les progrès dans la lutte contre le tabagisme.

Rôle potentiel dans la réduction des risques et l’arrêt du tabac

Malgré les positions tranchées, des acteurs de santé publique estiment que la cigarette électronique, qui contient de la nicotine, peut être utile pour réduire les risques liés au tabac et servir d’aide à l’arrêt, en complément des substituts nicotinés.

Pour clarifier ces questions, la Société francophone de tabacologie (SFT) a mandaté le Centre universitaire de médecine générale et santé publique Unisanté, à Lausanne, afin d’analyser les consensus existants sur l’usage de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique et sa contribution à la réduction de la morbidité et de la mortalité liées au tabagisme.

Éléments du consensus sur l’arrêt du tabac

Méthodologie et participants

Après une consultation rapide auprès d’une centaine de spécialistes, 26 propositions ont été retenues comme consensus par les professionnels interrogés.

Les conclusions indiquent que le vapotage peut aider les fumeurs à arrêter de fumer pendant six mois ou plus, avec un rapport bénéfice/risque favorable. Il pourrait réduire les risques par rapport au tabac traditionnel et peut être utilisé comme complément des substituts nicotinés.

Cependant, des incertitudes subsistent quant aux effets indésirables à long terme, et les experts rappellent que la personne qui parvient à l’arrêt durable du tabac devrait viser, à terme, l’arrêt de la e-cigarette.

Questions autour de la dépendance des jeunes

Selon Luc Lebon, responsable de la prévention du tabagisme à Unisanté, l’étude porte sur l’arrêt du tabac chez les fumeurs et ne traite pas directement de la dépendance à la nicotine. L’objectif est d’accompagner les personnes souhaitant arrêter de fumer.

L’usage de la e-cigarette chez les mineurs a reçu une adhésion limitée. « On peut devenir accro à la cigarette électronique et son potentiel d’addiction peut être supérieur à celui des patches de nicotine », explique-t-il. « L’absence de consensus sur l’usage chez les mineurs peut refléter le risque potentiel d’une dépendance précoce. »

Aide à la décision et populations spécifiques

Population féminine et grossesse

Pour les femmes enceintes ou allaitantes, aucun consensus n’a été atteint. Les effets de la nicotine seule restent mal connus; les données disponibles indiquent qu’elle est moins nocive que le tabac, mais les conséquences à long terme demeurent incertaines.

Par ailleurs, la cigarette électronique est perçue comme plus adaptée au marché que certains substituts pharmaceutiques, qui ne sont pas toujours remboursés par l’assurance de base. La proposition de limiter la vente aux seules pharmacies n’a pas suscité de consensus.

Implications pour la pratique et les politiques publiques

Selon Unisanté, ces résultats offrent des repères pour les professionnels de santé accompagnant le sevrage tabagique et pourraient guider l’élaboration de recommandations cliniques ou de formations adaptées. Le processus de consensus vise à réduire les divisions au sein de la communauté de santé publique et à éclairer les décisions politiques dans ce domaine.

Référence: Pierrik Jordan