Trump et la Suisse : le duel tarifaire qui bouscule le commerce mondial
Les droits de douane frappent l’économie suisse
En 2024, une prise de position de Donald Trump a mis en avant le tarif comme élément central de sa vision économique, et cette approche s’est concrétisée par une mesure douanière: le 1er août, les États-Unis ont appliqué 39% de droits de douane sur les importations en provenance de Suisse, soit le niveau le plus élevé parmi les pays industrialisés de l’OCDE. Cette décision touche particulièrement les PME suisses et les secteurs fortement exportateurs, notamment celui des machines-outils.
Julien Bianchi, PDG de Polytype, actif dans les solutions d’emballage, a qualifié ces droits de insuffisants pour son entreprise et pour l’écosystème industriel suisse, lors de son passage sur l’émission Temps Présent de la RTS.
La souveraineté en jeu
Face à cette intensification des tensions commerciales, la Suisse se retrouve confrontée à des questions sur sa capacité à décider de son destin économique et sur la préservation de sa démocratie directe et de sa souveraineté. Des voix s’interrogent sur les risques que cela pourrait faire courir à long terme.
Jacqueline de Quattro, conseillère nationale vaudoise, pointe l’inadéquation de telles méthodes entre deux États de droit. De son côté, l’ancien directeur de l’OMC, Pascal Lamy, observe que les États-Unis semblent recourir à des leviers militaires dans le cadre d’accords commerciaux, une approche qu’il juge presque mafieuse.
Rôle du secteur privé et évolutions des négociations
Depuis plus de six mois, les négociateurs suisses, habitués à une diplomatie traditionnelle, affrontent un président qui remet en cause les règles commerciales en vigueur. Lors d’un appel téléphonique le 31 juillet avec Karin Keller-Sutter, Donald Trump aurait demandé quels contreparties la Suisse pouvait offrir face à l’idée que l’Union européenne fournisse 600 milliards. La présidente suisse, surprise par la demande, n’a pas été en mesure de proposer une contrepartie qui puisse faire changer de position l’administration américaine.
Des analystes estiment que la Suisse dispose de leviers limités dans ces négociations, ce qui complexifie les discussions. Le professeur Simon Evenett, de l’IMD, rappelle une dynamique de pouvoir asymétrique et prévoit que de nouvelles tensions se dessineront à l’avenir.
Un accord et ses implications économiques
Pour relancer le dialogue, six dirigeants d’entreprises ont été invités à la Maison Blanche, ce qui a permis de faire baisser les droits de douane à 15%. En parallèle, des engagements en faveur d’investissements privés américains ont été évoqués, autour d’un montant estimé à environ 200 milliards de francs sur les trois années à venir, en échange de concessions commerciales répétées.
Dans ce contexte marqué par l’incertitude, le spécialiste Simon Evenett compare la situation à un ring, soulignant que la Suisse doit s’attendre à d’autres coups à l’avenir. Le dirigeant de Swatch, Nick Hayek, a exprimé une vision critique sur l’accord conclu par la Suisse et affirme que le pays aurait cédé face à la position américaine.
Ces échanges soulignent les défis d’un contexte international en mutation, où la Suisse tente de préserver ses intérêts tout en s’inscrivant dans un cadre mondialisé, marqué par l’incertitude et une confiance fragile.