Vers l’ère du non-tourisme : analyse des tendances et enjeux

Vers l’ère du non-tourisme : réalité, risques et perspectives
Le tourisme mondial a dépassé les niveaux observés avant la pandémie. Au premier semestre 2025, près de 700 millions de voyages ont été réalisés, selon l’ONU, ce qui représente environ 5 % de plus qu’en 2024. Certaines activités, notamment les croisières, affichent même des performances redoutées comme étant un témoin d’un essor durable, et les prévisions des Nations unies laissent supposer que cette dynamique pourrait se prolonger dans les mois à venir.
Une reprise dynamique mais des signaux d’alerte
Pour autant, les critiques autour du surtourisme et les effets palpables du changement climatique nourrissent un débat sur l’avenir du secteur. Le chercheur Stefan Gössling, professeur à l’Université de Linné en Suède et consultant pour des organismes internationaux, avance une thèse audacieuse : l’émergence d’une “ère du non-tourisme” pourrait se dessiner dans les décennies à venir. Selon lui, de nombreux indicateurs suggèrent que le climat pèsera fortement sur le tourisme.
Des réalités locales qui pourraient devenir globales
Gössling rappelle que l’ère du tourisme de masse a pris forme en Europe il y a environ 80 ans, après la Seconde Guerre mondiale, et il estime que, d’ici environ 80 ans, le contexte climatique pourrait faire du tourisme et des déplacements une préoccupation moindre. Il affirme que nous vivons déjà certaines manifestations de cette transition : catastrophes environnementales, incendies, glissements de terrain, fonte des neiges dans les stations et érosion des côtes. Si certaines régions touristiques ressentent déjà ces effets localement, il prévoit une propagation à l’échelle mondiale et une potentialisation des perturbations dans le secteur.
Selon lui, ces changements climatiques ont aussi pour conséquence d’éroder l’attrait de certaines destinations et d’alourdir les factures, en particulier à travers une hausse des coûts d’assurance, des denrées alimentaires et des alternatives à faibles émissions de carbone.
Perte d’atouts et coûts d’entretien
La thèse de Gössling souligne aussi une perte d’attrait d’actifs traditionnels du tourisme, comme la neige et les plages, dont l’entretien deviendra coûteux dans de nombreuses régions à l’avenir.
Un débat sérieux parmi les professionnels et les chercheurs
Cette position est loin d’être marginale dans le milieu. Certains experts considèrent qu’elle peut paraître paradoxale, compte tenu d’un secteur qui paraît en bonne santé. Saskia Cousin, sociologue spécialiste du tourisme à l’Université Paris Nanterre, décrit ce raisonnement comme contre-intuitif et compare la situation à une confusion entre climat et météo : même si le temps est clément aujourd’hui, le réchauffement global se poursuit et pourrait signer la fin d’un système tel qu’il le connaissait.
Hospitalité et loisirs locaux : une voie possible
La sociologue évoque une transition vers une culture de l’hospitalité et du loisir local, appelée ici l’hôte et l’otium. L’idée est de privilégier des échanges réciproques et des vacances de proximité, plutôt que des déplacements internationaux lourds en ressources. Dans ce cadre, les vacances de proximité et l’accueil mutuel pourraient devenir la norme pour une partie des populations.
Des manifestations locales et une inquiétude partagée
À l’été 2025, des habitants de Majorque ont manifesté pour protester contre ce qu’ils considèrent comme des dérives du tourisme de masse. Cette indignation illustre un questionnement croissant sur les formes de tourisme envisagées pour l’avenir et sur la nécessité d’un modèle plus durable et plus respectueux des territoires.
En somme, l’idée d’un passage vers une économie du voyage axée sur l’hospitalité et des voyages de proximité s’inscrit comme une option évoquée par des chercheurs et des professionnels. Le sujet invite à envisager une transition qui privilégierait une relation plus équilibrée entre voyageurs et territoires, dans un contexte de raréfaction des ressources et d’exigences accrues en matière de durabilité.