Or, valeur refuge historique : pourquoi le métal jaune attire les investisseurs en période d’incertitude

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Or, valeur refuge historique : pourquoi le métal jaune attire les investisseurs en période d’incertitude

L’or demeure l’un des refuges privilégiés des marchés : lorsque la conjoncture se dégrade, les investisseurs se tournent vers ce métal précieux. Son image de sécurité est souvent perçue comme supérieure à celle d’autres monnaies, y compris le franc suisse. Depuis le début de l’année, l’or progresse de plus de 40 %, et sa valeur a doublé depuis fin 2022.

Plusieurs facteurs expliquent cette dynamique. Les banques centrales en achètent par kilos, mais c’est surtout la nervosité des investisseurs qui pousse à y recourir face à l’instabilité géopolitique et à la montée des dettes publiques.

La Suisse n’est pas en reste : elle détient la plus grande part d’or par habitant, avec environ 118 grammes chacun, une réserve majeure logée dans les coffres de la Banque nationale.

Conventions anciennes et valeur de l’or

Cette fascination remonte à des millénaires. Christian Grataloup, géohistorien, rappelle que « depuis plus de 2500 ans, le monde méditerranéen, le Moyen-Orient, l’Iran, l’Inde du Nord, la Chine et ses périphéries comme le Japon » ont utilisé l’or et en ont fait le conservateur de la valeur.

Selon l’expert, l’or repose sur une convention ancienne qui n’est pas universelle : « ce qui existait ailleurs n’était pas systématiquement un métal précieux. En Amérique, au sud de l’Afrique ou en Océanie, on échangeait avec des objets tels que des cabosses de cacao, des coquillages, des cauris ou des perles. »

L’or n’a de valeur que si l’on croit en lui. La confiance est au cœur même des monnaies : il faut croire en la crédibilité des banques centrales qui émettent des billets et, pour l’or, croire en sa rareté et sa valeur intrinsèque. Daniel Varela, responsable des investissements de la banque Piguet Galland, rappelle : « La quantité d’or dans le monde est déterminée. On peut extraire plus, mais la réserve sous terre est limitée. Contrairement aux monnaies papier qu’on peut imprimer à l’infini. »

Pas de risque d’inflation et stock limité

La planche à billets peut engendrer de l’inflation, ce qui n’est pas le cas pour l’or dont le stock est limité. En conséquence, les économies stockées en or ne courent pas le risque de dépréciation, sauf si le cours chute néanmoins. Or, cette année, la hausse est d’autant plus marquée que les tensions sur la dette et d’autres facteurs soutiennent le cours.

Outre les dettes publiques croissantes, la politique économique américaine et les incertitudes entourant le dollar alimentent l’attrait pour l’or, qui est aussi perçu comme la monnaie des scénarios d’effondrement potentiel du système mondial.

« Tant qu’il y aura des acteurs prêts à se procurer de l’or, il vaut la peine de le thésauriser », conclut Grataloup. « D’ailleurs, qu’est-ce qui est plus rassurant que cette possibilité en temps de grande agitation ? Pas grand-chose. On peut stocker des ressources comme l’huile ou la farine pour un bunker, mais l’or demeure liquide et échangeable dès qu’il y a ouverture et usage. »

Cette convention pourrait disparaître, admet le géohistorien, mais pour l’instant, le métal jaune demeure le pari le moins risqué.

Par Mathilde Farine